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Les angles préférentiels des peintres

Pour les peintres, un angle ou un nombre ne désigne pas une quantité, il exprime plutôt une qualité.

Des outils, bâtons, épées, forment des angles directement lisibles sur un tableau comme avec le Jacques-Lois David ci-dessous ou les épées se croisent et forment donc des angles .

J-L DAVID, Les horaces, Angles de composition

Avec cette scène de Jacques-Louis DAVID,  on peut relever directement les angles des épées qui se croisent : 12° et 18 ° et 40°.

D'autres fois, en prolongeant au delà de la partie visible de bâtons, comme ci-dessous avec ce Fra Angelico, un angle à 45° se révèle.

Fra ANGELICO, angle lisible de composition

Dans cette fresque de Fra Angelico, le Christ est encadré par un roseau et un bâton. En prolongeant leurs directions ils se croisent avec un angle dont la valeur est 45°.

J'admets que ce n'est pas forcément très alléchant, ni très glamour de mesurer des angles dans une peinture. Mais avec un peu de patience vous allez comprendre comment j'en suis arrivé à découvrir avec l'archéologie picturale que les personnages peints se relationnent entre eux à travers la ligne de leurs yeux, leurs regards prolongés, précisément avec ces angles soigneusement sélectionnés par des générations de peintres.

J'ai compris, grâce à mes bases de données, que certaines valeurs d'angles reviennent plus souvent que d'autres et qu'elles semblent signifier quelque chose. Par exemple, 30° et 60° sont les angles de l'étoile de David, 36° est celui du fameux Pentagrame, l'étoile à cinq branches.

 

Je suis donc parti tel un explorateur au fond des musées à la recherche de tous les angles que je pouvais identifier, des angles que chacun peut voir de façon indiscutable dans un tableau.

Relevé d'angles sur une œuvre peinte au musée des Beaux Art de Dijon

Mesures dans au Nouveau MBA Dijon avec une équerre électronique.

Photo Pascal Meyer

Les angles des peintres ont toujours des valeurs entières, sans jamais de décimale après la virgule. Cela provient certainement de la philosophie grecque où seraient nés les premières notions de composition picturale. Les grecques affirmaient que seul chiffre entier pouvait pas refléter l'unité du cosmos. Pour eux, il était inconcevable d'utiliser un chiffre suivi d'une fraction. Je parlerais dans un autre chapitre d'une exception remarquable qui confirme cette règle, introduite par la religion chrétienne avec l'iconographie des dragons et des diables.

Vermeer, Le Géographe, Angles de composition

Mesures sur photo avec un ordinateur : ici 18° et 30°

Certains tableaux, comme ceux-ci de Bernardo DADDI et de Albrecht DURER, comportent de nombreux angles qu'on peut relever avec les rames, les mâts, les cordes, les livres. De plus, ces angles répondent à la PREMIÈRE RÈGLE DES PEINTRES : les lignes visibles pointent au loin une partie du corps d'un personnage.

DADDI les angles des peintres

Dans cette "Arrivée  de St Ursule" de Bernardo Daddi - 1330 -  ce sont les yeux qui sont principalement pointés par les lignes des angles car les personnages découvrent la ville de Cologne.

Dürer - Jésus parmi les docteurs - tracés des angles préférentiels.

les angles donnés par les livres pointent les yeux et les doigts de la première règle des peintres.

Albrecht Dürer - Jésus parmi les docteurs  - 1506 - tracés ©gm

La deuxième étape de la démarche archéologique consiste à réunir les observations de ces angles visibles dans les œuvres, ceci sans les interpréter. J'ai donc créé cette base de données comportant tous les éléments utiles à l'identification de ces angles. 

Base de données des angles de composition des peintres

Vue partielle de la base de données sur les angles préférentiels des peintres - ©GM

De cette base de donnée, il ressort que certains angles sont plus souvent employés que d'autres, je les ai donc regroupés dans un schéma simple, en utilisant des couleurs spécifiques pour les différencier (il n'y a pas de symbolique particulière à propos de ces couleurs) : 

Selon mes observations, les angles préférentiels des peintres seraient par ordre d'apparition :

18°  -  36°  -  30°  -  9°  -  45°  

Les angles préférentiels de composition des peintres
Les angles préférentiels tirés de trois étoiles symboliques

Il y aurait beaucoup à dire sur la préférence de ces cinq angles, qu'on retrouve dans des figures géométriques connues depuis la plus haute Antiquité. Ils  avaient  une signification particulière pour les mathématiciens mais aussi pour les philosophes - dont les disciplines n'étaient pas séparées. Par exemple, on peut montrer que ces cinq angles sont issus de trois étoiles qui constituent la base des enseignements philosophiques. 90° et 45° sont issus de l'octogone formé de deux carrés. D'autre part, 9°, 18° et 36° sont issus de l'étoile à 5 branches, le Pentagrame. Et enfin, 30° est issu de l'étoile de David formé de deux triangles.

Connaissez-vous les noms des angles donnés par les bâtisseurs de temples et de cathédrales ?

- L'angle d'argent pour le 18°

- L'angle royal pour le 30°

- L'angle sublime pour le 36°

- L'angle droit pour le 90°

Il n'y a pas que les objets rectilignes qui déterminent des angles dans les peintures ; les doigts des personnages sont souvent dessinés selon un langage angulaire remarquable. Ci-dessous, dans ce Bernardo Luini, élève de Léonard de Vinci, les principaux angles symboliques des peintres sont présentés avec le jeu des doigts selon la première règle des peintres.

Bernardo Luini  - Jésus parmi les docteurs - 1515 - National Gallery - ©GM -  Passez  la souris sur la photo pour voir les angles.

Il est édifiant de noter que souvent les angles prolongés répondent au fonctionnement de la première règle des peintres : pointer une des douze parties symboliques du corps d'un personnage.

Avec les angles et les lignes droites qui pointent une partie du corps des personnages, nous avons ici l'ébauche d'un système visuel ouvert. En effet, une ligne propose une direction de lecture, et un angle ouvre le regard dans deux directions. Ces investigations objectives proposent de ne pas limiter le regard du spectateur dans des figures géométriques fermées.

Le fonctionnement de cette règle des angles est comme celui de la première règle :

SIMPLE, VÉRIFIABLE, REPRODUCTIBLE. Il n'y a de nouveau pas lieu de développer des projections personnelles qui feraient voir des angles ou une géométrie de composition là où il n'y en a pas !

Florilège d'angles visibles

N'hésitez pas à laisser votre commentaire, vos questions en pied de page, mon plaisir est de pouvoir échanger avec vous sur la composition picturale. Merci.

Guy MAUCHAMP

 

Travail protégé par un copyright ©guymauchampU79J1B9 et un dépôt à la SGDL.

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